Meharon, M; Carsenac, G;Bernadet, P; Courtois, A; Labadie, M;
Objectifs Les intoxications par ingestion de méthanol sont potentiellement mortelles. La toxicité est liée aux métabolites (formaldéhyde et acide formique) obtenus sous l’action de l’alcool déshydrogénase et de l’aldéhyde déshydrogénase. Les 2 antidotes possibles, le 4MP et l’alcool éthylique (éthanolémie antidotique recommandée à 1g/L) doivent être administrés avant la métabolisation, c’est-à-dire très vite après l’ingestion. Notre objectif est d’attirer l’attention sur l’utilisation des éthylomètres dans les services d’urgences et sur l’interprétation de leurs mesures dans l’indication du traitement antidotique des intoxications au méthanol. Méthodes Il existe deux types d’éthylomètres. Le premier de nature électrochimique consiste à provoquer l’apparition d’un courant électrique entre deux électrodes lors de leurs contacts avec l’air expiré. Le second basé sur une méthode spectrophotométrique, analyse un rayonnement infrarouge qui produit un spectre caractéristique en présence d’alcool dans l’air expiré. Ces mesures permettent d’approcher l’éthanolémie grâce à la loi de Henry qui établit une relation proportionnelle entre la quantité d’alcool détectée dans l’air alvéolaire et celle présente dans le sang selon un ratio de 1/2100 (1mL de sang pour 2100mL d’air alvéolaire). Résultats Un homme de 55ans, éthylique chronique, est retrouvé ébrieux. Il aurait bu à une heure non précisable 500mL d’alcool à brûler de composition non connue et 1L de produit lave-glace contenant 99 % de méthanol. L’éthylomètre (Alco-Sensor® IV, Intoximeters Inc) affiche un taux d’alcool de 1,50g/L, et l’éthanolémie (méthode enzymatique, Test DRI®) sur le prélèvement sanguin est mesurée à 0,86g/L. Les résultats de la gazométrie sont : pH 7,32, PCO2 25,6mmHg, PO2 98,10mmHg, Bicarbonates 13mmol/L. Le centre antipoison est appelé à l’admission aux urgences et préconise l’administration immédiate de 4 MéthylPyrazole (4MP). Il en reçoit 2740mg soit 38mg/kg sur 48h. Le dosage de la méthanolémie n’est pas réalisé. Le patient rentre à son domicile après 48h d’hospitalisation, sans complication. Dans le cas de notre patient, le taux d’alcool dans l’air expiré utilisé dans de nombreux services d’urgence au moyen d’éthylomètre, aurait pu rassurer l’urgentiste. En effet, en extrapolant cette mesure, pour évaluer une éthanolémie (en l’occurrence estimée à 3g/L) [1], il aurait été possible de ne pas administrer de 4MP puisque l’alcool éthylique aurait joué sont rôle antidotique. Néanmoins, ces extrapolations sont peu fiables : dans notre observation, nous constatons que l’éthanolémie réellement mesurée de notre patient était à 0,86g/L, et qu’il existait une acidose débutante, justifiant l’administration du 4MP en urgence, pour bloquer la métabolisation du méthanol. De plus, les mesures réalisées par les éthylomètres sont soumises à des variations individuelles, et peuvent également être surévaluées par défaut de spécificité en présence d’alcools autres que l’alcool éthylique, comme le méthanol [2]. Conclusion Cette observation montre bien que lors des intoxications aux alcools toxiques la mesure du taux d’alcool dans l’air expiré ne peut en aucun cas être un critère de non-administration de l’antidote spécifique qu’est le 4MP. Dans le cas des intoxications avec plusieurs alcools, seul le dosage sanguin spécifique de l’éthanol permet de discuter les indications du traitement.